Matthieu Chedid, amoureux inconditionnel de la ville de Paris, enfile la double casquette de compostieur-doubleur pour le film Un monstre à Paris.
Comment êtes-vous arrivé sur le projet « Un monstre à Paris » ?
C’était à l’époque de Qui de nous deux, il y a six ans. Nous nous étions retrouvés avec Bibo dans un petit restaurant, et il m’a proposé ce projet. Le film n’était pas du tout commencé. Il n’y avait pas d’animation, seulement un scénario et quelques images clés des personnages et de l’univers du Paris 1900. J’étais alors habité par le projet des Triplettes de Belleville, et en découvrant celui d’Un monstre à Paris je trouvai un lien de parenté entre les deux. J’ai été immédiatement touché par la poésie des personnages et de l’histoire. Ce rendez-vous avec Bibo fut pour moi une double rencontre, humaine et artistique.
Comment le film s’est-il construit ? Est-ce que ce sont les images qui épousent la musique, ou l’inverse ?
Le film n’est pas uniquement fait de chansons, il comprend également beaucoup de répliques parlées. Mais il me fallait effectivement contribuer au récit de l’histoire de ce monstre, qui se découvre en rencontrant Lucille et se révèle au grand jour. Je devais donc composer avec des contraintes, et chaque morceau a été écrit pour un rendez-vous bien précis du film : La Seine raconte l’univers de Lucille et son amour du spectacle ; dans Papa Paname, une autre chanson du cabaret, je parle du lien paternel qui unit Lucille à Paris ; L’amour dans l’âme intervient à un moment très émouvant et reflète une certaine idée de la mort ; Un baiser, quand à lui, est un morceau festif pour le dénouement du film.
Quel effet cela fait-il, d’écrire des chansons sur commande ?
Créer des chansons avec des contraintes m’arrive très rarement, et c’était un vrai bonheur de participer à ce film. D’habitude, je reçois les chansons comme elles me viennent, dans leur totalité, sans chercher à les orienter sur un thème particulier ; ici je devais respecter une histoire, un climat, un univers. C’est la première fois que je me prêtais à cet exercice, et je pense que le fait d’avoir des contraintes permet d’aller encore plus loin dans l’imaginaire. C’est ainsi qu’est né par exemple le personnage de Papa Paname : le rapport paternel que Lucille entretient avec Paris n’était pas évoqué dans le scénario, c’est la chanson qui l’a amené. Le parallèle entre le spectacle et Paris, c’est l’homonymie des mots « scène » et « Seine » qui me l’a inspiré. La contrainte a donc engendré de vraies idées. Pour la première fois, j’ai la sensation que ces chansons sont comme des petits classiques, des chansons qui auraient pu être créées il y a 100 ans. C’est comme si j’avais l’impression d’avoir fait mes premières chansons populaires avec ce projet.
Que pouvez-vous nous dire sur votre personnage, Francoeur ?
Francoeur est pour moi un personnage qui garde tout en lui. Il n’est pas dans la parole, mais dans les sons, dans l’émotion, dans les sens ; il a un rapport animal et musical à l’autre. Il est au-delà des mots. J’ai une voix très aiguë, qui correspondait bien à la poésie de ce monstre et à son décalage, à son enfance, à sa pureté. J’ai donc insisté sur cette voix pour aller chercher la fragilité du personnage.
Y a-t-il des monstres qui ont hanté vos nuits d’enfant ?
Ce qui m’a profondément perturbé, c’est le film L’Exorciste. Je suis tombé dessus avec ma sœur alors que j’étais très jeune. Cette petite fille, qui tout à coup se transforme en diable, a hanté mes nuits plus d’une fois quand j’étais petit !
Si vous aviez vécu à Paris en 1910, qu’auriez-vous fait au moment de la grande crue ?
Je serais monté sur les toits ! Comme je l’ai évoqué dans Papa Paname, je suis fasciné par la vision que l’on peut avoir de cette ville lorsqu’on la surplombe. Paris, surtout la nuit avec toutes ses lumières, a quelque chose de très aérien. Au quotidien, je trouve que la ville est plutôt compacte et renfermée. C’est quand on se retrouve sur ses hauteurs qu’on en perçoit l’immensité et la beauté.
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