Les Coulisses de « Nina et le Secret du Hérisson » : un film qui va enchanter les enfants

image du film Nina et le secret du hérisson
© Parmi Les Lucioles Films, Doghouse Films, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, KMBO Production

Découvrez le monde fascinant de la création cinématographique à travers les yeux des talentueux réalisateurs Alain Cagnol et Jean-Louis Felicioli, les esprits créatifs derrière des films d’animation acclamés tels que Phantom Boy et Une vie de chat. À l’occasion de la sortie en salle, ce 11 octobre, de leur prochaine co-réalisation Nina et le secret du hérisson, l’équipe Hopikid les a rencontrés pour vous proposer une interview exclusive. Plongez dans les coulisses de l’écriture du scénario et explorez comment ces deux artistes ont imaginé un univers envoûtant spécialement conçu pour les enfants.

Avec Nina et le secret du hérisson, vous renouez avec la thématique de l’enquête explorée dans vos films précédents.

Alain Gagnol : Le point de départ, c’était plutôt l’histoire d’un enfant qui voulait aider son père qui était très triste, qui subissait un traumatisme. Le cœur du récit, ça devait être la relation entre le père et la fille, que ça se passe entre eux deux. Et puis après, c’est un peu mon fonctionnement par défaut qui a pris le dessus. Comme j’adore les polars, il y a toujours une touche un peu dans ce sens. Je me suis dit que ce serait amusant de faire un film dans l’esprit des films de « casse » , avec des enfants de dix ans. J’avais envie aussi qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture, donc il y a aussi une histoire d’amour qui s’ajoute. Et puis, le récit ancré dans le social est arrivé, avec l’idée de faire quelque chose qui soit très contemporain, vraiment axé dans notre monde de maintenant, alors qu’on était beaucoup plus dans l’imaginaire dans Phantom Boy qui se passait à New York, une ville qu’on ne connaît pas spécialement.

Vous avez quand même ajouté une dimension imaginative onirique avec le petit hérisson.

Jean Luis Felicioli : C’est toujours pareil, c’est toujours Alain qui a les idées. (Rires)

AG : Je continue sur ma lancée ?

JLF : Oui vas-y.

AG : L’idée, c’était justement d’intéresser un jeune public, donc d’être proche de choses avec lesquelles ils peuvent s’amuser à jouer, à ressentir. Le hérisson ça nous permettait de ne pas perdre les jeunes spectateurs, puisque même si on a pour ambition de faire un film qui puisse toucher aussi des adultes, on ne veut pas que ça soit au détriment des plus jeunes spectateurs.  Ça traduit aussi beaucoup le rapport que j’ai au monde, parce que je suis tout le temps en train d’inventer des histoires, de créer des personnages. Je vis autant dans la réalité que dans l’imaginaire. Donc c’est aussi un d’autoportrait.

JLF : Et puis le hérisson, c’est un peu une sorte de parodie de dessin animé des années trente. C’était aussi l’occasion rêvée de pouvoir refaire et remettre un peu à jour, ces dessins animés que j’ai adoré quand j’étais enfant. Il en passait beaucoup à la télé. Et donc pour ma part, ce petit personnage possède un aspect très nostalgique.

C’est très surprenant quand on le voit apparaître pour la première fois, on est immédiatement replongé dans le style d’animation rétro, à la fois par le graphisme et le rythme avec lequel les personnages bougent.

AG : On a même mis des défauts, des petites poussières de pellicule quand le hérisson est là.

JLF : Du coup, c’est l’occasion pour les enfants de découvrir ce style, parce qu’eux par contre, ils ne connaissent pas ce genre de dessins animés. Pourtant il existe une quantité incroyable de ces courts métrages des débuts de l’animation.

Quelle est votre approche quand vous concevez un film pour les enfants?

AG : Je suis scénariste et j’ai tendance à penser que le jeune public doit être pris au sérieux. Ce n’est pas parce qu’on s’adresse à des enfants qu’on doit juste raconter des histoires hors cadre. Alors oui, un lapin qui vole un chapeau, pourquoi pas ? Mais on peut aussi aborder des thèmes plus importants, parce que je considère qu’ils font aussi partie de leur vie. Par exemple dans Une vie de chat, il y avait une commissaire qui élevait sa fille toute seule. Dans Phantom Boy c’était un garçon qui avait une maladie grave. Dans Nina et le secret du hérisson on parle du chômage et un tout petit peu de la dépression du père. Sauf qu’évidemment ce n’est pas ça qu’on met en avant. C’est uniquement un contexte, sur lequel on rajoute une histoire avec de l’aventure, de l’humour. Moi, j’ai tendance à considérer que tout ces thèmes font partie du monde de l’enfance, car lorsqu’il y a un deuil dans une famille, ou quand quelqu’un tombe malade, les enfants le vivent autant que les autres. Ils ont juste moins d’éléments pour arriver à comprendre ce qui se passe. De plus, on ne leur dit pas tout et ce qu’ils perçoivent est assez parcellaire.
C’est pour ça que lorsque je choisis mes thèmes, je ne me censure pas spécialement. Les enfants vivent dans le même monde que moi, par contre j’adapte ma façon de m’adresser à eux. Si je m’adressais directement à des adultes, je pourrais être plus cru, plus direct. Là non, pour les enfants, je veux d’abord que ce soit un spectacle qui les amuse, dans lequel ils peuvent avoir peur ou qu’ils rigolent. Et après, si on peut en plus, faire passer des choses importantes, c’est bien.

Comment pensez vous que les enfants puissent saisir les questions sociales dans un film ?

AG : Alors en fait, les enfants comprennent que le père est triste, tellement triste qu’il ne veut plus raconter d’histoire à sa fille. Après seulement, on apprend qu’il a perdu son travail. Mais ce qui est important, ce sont les relations humaines entre ces personnages.
Ce serait dommage, de ne proposer aux enfants que des choses qu’ils peuvent comprendre. Ce qu’il faut évidemment, c’est qu’ils aient assez d’éléments pour ne pas se sentir exclus. Il faut qu’ils arrivent à suivre l’histoire du début à la fin, mais il peut y avoir plusieurs éléments au milieu qu’ils ne saisissent pas complètement. À mon avis, ce n’est pas un problème parce que après ils peuvent poser des questions à leurs parents. Je vois bien quand on fait des séances débat avec des enfants, parfois les plus petits demandent des précisions, ils disent des choses très intéressantes. Je pense que pour eux il y a le plaisir de la découverte de quelque chose. Il ne faut pas oublier que les enfants sont constamment confrontés à des choses qu’ils ne comprennent pas, c’est leur quotidien.
Ils découvrent le monde, comment il fonctionne, au fur et à mesure, en allant à l’école, et on passe notre temps à leur apprendre des choses. C’est leur manière de fonctionner, donc ce n’est pas grave, s’il y a des choses qu’ils ne saisissent pas immédiatement. Il faut juste leur donner assez d’éléments dans l’histoire pour qu’ils arrivent à suivre. Et là, dans ce film, le papa qui est triste, la petite-fille qui veut l’aider, à n’importe quel âge, ça marche toujours ça.

La réalisation est très abordable pour les enfants, avec un style de découpage et un rythme très tranquille.

JLF :  Ah oui, tout à fait, on aime bien les cadres fixes, ou quand la caméra ne bouge pas et d’ailleurs il n’y a pratiquement pas de travellings dans nos films. Souvent la caméra est posée, on laisse vivre les personnages dans le cadre. C’est vraiment une envie, on apprécie ce cinéma-là, un peu comme s’était fait avant, dans des vieux films,  des films en noir et blanc. Il n’y avait pas ce rythme complètement fou qu’on trouve maintenant dans certains dessins animés et qui moi, me met vraiment mal à l’aise. J’aime bien, justement que tout soit bien posé et qu’on ait bien le temps de voir les choses, que ce soit très lisible.

AG : Pour moi, c’est pas seulement lié à l’animation. Même en prise de prise de vue réelle, c’est aussi ce genre de mise en scène que j’aime bien. Alors on ne s’est pas forcé en disant : on va faire une mise en scène pour les enfants, on a fait le genre de mise en scène qu’on aime.

JLF : Et on a vraiment cherché, dans le rythme, que ce soit assez simplifié d’une certaine manière. On ne fait pas bouger les personnages s’ils n’ont pas besoin de bouger. Il n’y a pas de geste qui est superflu. Et donc on a cherché plutôt à amener du mouvement dans la mise en scène, plutôt que par l’animation. C’était vraiment une volonté de faire ça, on a bien réfléchi avant pour que ça ne soit pas trop compliqué au niveau de l’animation, tout en restant assez rythmé pour qu’on ne s’ennuie pas.

Comment concevez-vous les personnages de méchants qui amènent la tension dans les films ?

AG : Comme je l’avais déjà fait dans les films précédents, souvent les personnages de méchants, ce sont aussi eux qui font rire. Ici, cela fonctionne très bien avec le chien. Mais ça ne marche pas de la même façon avec le gardien parce que lui, il est vraiment méchant. Mais sinon, ça joue quand même beaucoup avec ça, le rire.

JLF : Il ne faut pas qu’il soit trop effrayant non plus, il faut être à la bonne limite, avec quelqu’un d’assez repoussant mais qui ne va pas trop faire peur non plus.

AG : On évite ce qui est cruauté, la vraie violence physique directe. En fait il faut suggérer, donner l’impression de la menace physique, mais ne pas la montrer. Moi, je ne serais pas à l’aise avec par exemple un adulte qui giflerait un enfant, on n’a pas besoin d’aller jusque-là, il suffit qu’il fasse une grosse voix, qu’on montre que l’enfant a peur, et ça donne la même impression. Au moment de l’écriture, parfois je peux avoir tendance à pousser un peu le truc, et après, que ça soit Jean-Louis, ou le producteur, ils peuvent me dire : « Non, là ça va être un peu trop ». C’est une discussion qu’on peut avoir entre nous. Par exemple, dans les toutes premières versions du scénario, le gardien avait un fusil, alors qu’on en a pas besoin en fait.

JLF : Moi le gardien, je le trouvais un peu trop inhumain. On en a discuté avec Alain, et on a gardé sa vision finalement, mais en général je n’arrive pas à concevoir que quelqu’un soit aussi indifférent quand il voit une petite fille qui va tomber. 

AG : Ha ! Mais c’est un vrai méchant. Le gardien représente presque un message politique. Ça montre à quel point la cupidité rend inhumain.  Je suis désolé, mais je trouve que c’est comme ça que le monde fonctionne. Pour moi c’est le personnage le plus réaliste.

JLF : Quand on fait un film à deux, il faut savoir ménager la chèvre et le choux, faire des concessions.

Hopikid : En tout cas chez Hopikid on trouve qu’il y a un bel équilibre et que le film est vraiment une réussite. Merci beaucoup pour ce temps passé ensemble.

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