Le réalisateur Benjamin Renner se confie avec émotion et raconte les prémisses d’écriture de sa BD qu’il adapte au cinéma : Le grand méchant renard. C’est à l’âge de 10 ans qu’il a donné vie à ses personnages, alors qu’il cherchait des cadeaux de Noël à offrir à ses proches : et pourquoi pas des bandes dessinées personnalisées ?
« LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES » est la transposition au cinéma de votre bande dessinée. Comment vous est venue l’idée de donner vie à ces personnages et à cet univers ? Quelles ont été vos sources d’inspiration et vos envies ?
C’est une bande dessinée que j’ai créée en plusieurs temps. J’ai eu un crayon à la main dès le plus jeune âge, et je dessinais souvent des petits personnages pour les membres de ma famille. À chaque anniversaire ou à Noël, comme je n’avais pas forcément d’argent pour leur acheter des cadeaux ou que je ne savais pas ce qui leur ferait plaisir, je leur offrais des bandes dessinées personnalisées. Les héros récurrents étaient des petits animaux de la ferme, notamment un lapin et un canard, qui racontaient à chaque fois à la personne à laquelle la BD était destinée des histoires humoristiques pour lui expliquer pourquoi, une fois encore, elle n’aurait pas de cadeau ! Je crois avoir imaginé ces personnages quand j’avais dix ou douze ans, puis j’ai continué à développer cet univers pour ma famille, jusqu’au moment où, bien des années après, j’ai écrit Un bébé à livrer pour expliquer à mon frère comment son bébé allait venir au monde. Bien sûr, à cette époque, il savait déjà que cela se passait sans l’aide d’une cigogne ! (rires)
Et l’adaptation de cette histoire est l’un des segments du film…
Oui. On y retrouve la même cigogne visiblement éméchée qui confie le bébé à ces personnages parce qu’elle a la flemme de le livrer elle-même. C’est donc pour ma famille que j’ai concrétisé puis complété petit à petit cet univers, en développant ces personnages, et en racontant d’autres petites aventures. Pendant mon enfance, j’ai baigné dans l’ambiance des Fables de La Fontaine, des Contes du Chat Perché de Marcel Aymé, ces récits anthropomorphes dans lesquels les animaux incarnent des caractères humains en fonction de leur apparence. Dans mes histoires aussi, on sent que le petit cochon va être un personnage joyeux et débonnaire, le canard un râleur, et le lapin un être fantasque et un peu irresponsable. J’adore jouer avec tout cela pour traiter des problématiques humaines de manière amusante et accessible à tous.
D’où est venue l’idée du Grand méchant renard ?
J’ai commencé à imaginer cette histoire quand j’étais petit. Mon père m’avait emmené visiter une ferme qui était équipée d’une couveuse remplie d’œufs de poule. Quand le fermier nous a dit que les œufs étaient sur le point d’éclore, j’ai voulu rester là pour voir comment cela allait se passer. Mon père, lui, n’avait aucune envie de s’éterniser. Pour me convaincre de partir, il m’a expliqué que si les poussins me voyaient en premier, ils allaient penser que j’étais leur mère. Et qu’ensuite, il allait falloir que je les éduque et que je continue à m’occuper d’eux. Du haut de mes six ans et demi, je ne me sentais pas prêt à être mère célibataire, car j’avais encore des choses à vivre avant… (rires) Je suis donc parti pour fuir ces responsabilités écrasantes mais cette anecdote m’est restée en tête, tout comme cette question brûlante : « Si on se retrouve brutalement maman adoptive de poussins, doit-on leur apprendre à se comporter comme des humains ou comme des poules ? ». Cette idée a continué à faire son chemin dans mon esprit, puis plus tard, je me suis dit que la situation serait encore plus amusante si c’était un renard qui était contraint d’élever ces petits poussins. Après avoir achevé ERNEST & CÉLESTINE, j’ai eu envie de développer cette histoire, et j’ai repris ces petits personnages et ce décor de ferme dans ma bande dessinée.
Les voix des personnages sont très réussies. Les acteurs adultes livrent tous d’excellentes prestations, mais l’interprétation des enfants surprend tout particulièrement, tant elle semble naturelle.
Tout le mérite revient à Céline Ronté, la directrice de casting. Céline a tout de suite compris ce que je voulais, et mes intentions de direction des acteurs. Elle a apporté beaucoup de choses grâce à son expérience théâtrale. Sa connaissance des acteurs, bien sûr, mais aussi sa maîtrise des effets burlesques que l’on peut obtenir en utilisant une intonation particulière juste au bon moment. Elle a su choisir les acteurs adultes dont les voix correspondaient parfaitement à mes personnages principaux, et pour jouer les poussins, elle a sélectionné trois enfants dont deux sont fils et fille de professionnels du doublage et connaissaient donc bien ce travail. L’enregistrement des voix des poussins s’est déroulé pendant une matinée, dans une ambiance détendue de cour de récréation. Les parents étaient là pour aider leur progéniture, et tout a pris une allure ludique : les jeunes acteurs jouaient à être les poussins, en oubliant presque qu’ils étaient enregistrés pour un film. L’ambiance était excellente et nous avons obtenu des performances très naturelles de ces enfants. Alors que d’habitude je suis toujours stressé avant une séance d’enregistrements de voix avec des acteurs, pour une fois c’était un pur moment de détente et de plaisir !
Avez-vous imaginé d’autres histoires se déroulant dans le même univers ? Aimeriez-vous les animer aussi, dans une suite du film ?
Pour le moment j’aimerais faire une petite pause, mais dans l’absolu, oui. Cet univers de la ferme et du village peut permettre de raconter un milliard d’histoires et j’ai envisagé de me concentrer à chaque fois sur un personnage différent, un peu à la manière des Contes bleus et des Contes rouges du Chat Perché, afin de découvrir ses problèmes et de raconter des choses qui ont une dimension humaine intéressante. Ce que j’aime beaucoup avec le principe du conte c’est qu’il permet d’aborder sereinement des problématiques sur lesquelles les gens ont parfois des opinions très tranchées. Ce qu’ils ne toléreraient pas de voir traité dans un contexte réaliste et contemporain, ne les choque pas lorsqu’on aborde ces mêmes thèmes par le biais d’une fable. Les personnages d’animaux dédramatisent tout cela. Et ils rendent le travail du narrateur encore plus satisfaisant.
Qu’aimeriez-vous dire aux spectateurs de tous les âges pour les inciter à aller voir « LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES » ?
Je leur dirais que nous avons conçu le film comme un petit bonbon, comme un moment de détente léger, amusant et sans prétention à partager en famille.
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