Scénariste de séries d’animation japonaise, Hiroyuki Kawasaki se confie sur son travail d’écriture pour la série Ronja fille de brigand aux côtés de Gorō Miyazaki.
Hiroyuki Kawasaki a fait ses débuts comme scénariste dans la série d’animation Adrien le sauveur du monde en 1988 et depuis il s’est principalement consacré au monde de l’animation. Il a participé à de nombreuses séries, et a été le principal scénariste d’œuvres comme L’irresponsable Capitaine Taylor, et After war Gundam X. Hiroyuki Kawasaki a écrit l’ensemble des épisodes de la série Ronja fille de brigand.
« La première fois que j’ai parlé avec Gorō Miyazaki à propos de la série, il m’a dit que je devais écrire l’histoire en m’appuyant uniquement sur le récit d’origine. J’avais lu le conte de Ronja fille de brigand avant d’avoir commencé à travailler dans la série, mais quand on m’a chargé d’écrire le scénario j’ai dû le relire. Grâce à cela j’ai compris que le conte était une base très solide et qu’il est différent d’autres œuvres de la littérature jeunesse. En ce qui concerne les séries d’animation, en général on réunit un grand nombre de scénaristes et chacun écrit l’épisode qu’on lui a attribué, mais pour Ronja fille de brigand, j’ai dû prendre en charge tout seul les 26 épisodes. Le problème, quand vous réunissez un grand nombre de personnes, c’est que chacun a des idées différentes, ce qui porte atteinte à la cohérence de l’ensemble. Qu’il y ait différents points de vue est parfois un avantage. Mais le réalisateur ne voulait qu’un seul et unique scénariste, parce qu’il considérait qu’un grand nombre serait contreproductif. Alors j ’ai demandé à la NHK et au réalisateur qu’ils me confient la responsabilité du projet. Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de problème à condition que mes autres travaux n’interfèrent pas ; et je me suis mis au travail. »
« Quand j ’ai intégré la production, le réalisateur avait déjà écrit un brouillon des 26 épisodes, tout en imaginant trois autres manières différentes de faire l’œuvre et il me les a montrées. Au début, il est normal de coller aux idées du directeur. Pour le dire autrement, mon travail ne consiste pas juste à diviser l’œuvre d’origine en 26 épisodes et point barre, mais à l’adapter, la réduire tout en développant le rythme. Une fois mon travail terminé, j’envoie la proposition et on explore les possibilités au cours des réunions. Ce processus peut durer un mois. Finalement on fait les retouches suggérées par le directeur et si le processus est très lourd au départ, il devient plus léger dans cette phase finale. Une des caractéristiques de la série est la lenteur relative de son rythme. Ma spécialité, ce sont les séries de robots et, en comparaison de celles-ci, le scénario de Ronja fille de brigand en occupe à peine un tiers. Chaque fois que je devais écrire, je me répétais « du calme, du calme ». Comme je l’ai déjà dit, le rythme est lent et il se passe peu de choses, d’où la brièveté du scénario. Ceci me préoccupait beaucoup au départ, mais lorsque le réalisateur m’a montré le scénario graphique du premier épisode, j’ai compris quelles étaient ses intentions. Le storyboard se fait après avoir terminé le scénario pour ajouter le mouvement des personnages et le reste. Si j’avais dû écrire le scénario après avoir vu la série achevée, j’en aurais substantiellement réduit le texte, puisque dans l’œuvre achevée, on voit l’addition d’une grande quantité de mouvements et de scènes qui dilatent l’épisode et dont je n’avais pas tenu compte. »
« Je me souviens que quand je lisais le scénario, Miyazaki avait ajouté des esquisses du château de Mattis, c’était magnifique. Je l’ai félicité, il m’a répondu qu’il avait appris de manière autodidacte. Pourtant, on aurait dit qu’elles avaient été faites par un professionnel. Dans le livre, la scène dans laquelle Ronja est attaquée par les harpies dans la neige est d’une grande puissance, car le danger est palpable. Les éléments fantastiques ont été superbement exploités. Les harpies et les nains sont des personnages caractéristiques de la littérature fantastique, mais ils sont parfaitement bien intégrés dans l’univers littéraire de Ronja, car ils ne détonnent pas du tout et cet équilibre est appréciable. Moi je fais le contraire, puisque je mets une emphase particulière sur les éléments de fantaisie. »

« L’époque et les décors dans lesquels se déroule Ronja fille du brigand ne sont pas clairs dans l’histoire d’origine, donc nous avons décidé d’ajouter beaucoup d’éléments de l’Europe médiévale dans la phase de l’écriture du scénario. Nous avons aussi introduit beaucoup d’éléments en relation avec la nourriture et d’autres aspects de la vie quotidienne, c’est pourquoi on peut voir beaucoup de scènes où les personnages mangent ou entassent des aliments dans la réserve. Bien que l’on m’ait demandé d’être le plus fidèle possible au récit original, je me suis trouvé dans l’obligation d’adapter la manière de s’exprimer des personnages. La traduction en japonais est magnifique, mais il y a de très nombreuses expressions idiomatiques dans le livre, ce qui fait que j’ai dû les adapter de façon à ce que lorsqu’on entend parler les enfants, elles soient faciles à comprendre, tout en conservant les caractéristiques des conversations d’origine. »
« Durant la lecture du scénario avec le directeur, on se serait cru dans un groupe d ’études de l ’œuvre d ’Astrid Lindgren, puisque nous discutions sur ce que pouvaient évoquer certaines scènes de l’œuvre originale. Le réalisateur a fait un commentaire qui m’a laissé perplexe. En théorie, l’histoire de Ronja était destinée à un public d’enfants. Mais si tu penses à l’âge que Lindgren avait lors de l’écriture, elle était plus proche de l’âge de Mattis et des autres adultes que de celui des enfants. Mattis et moi avons un peu plus de 40 ans et il est possible qu’il y ait dans l’histoire des messages destinés à des gens de notre âge. De plus, il est possible que Lindgren s’identifie davantage à Per le Chauve qu’au reste des personnages, en effet, ce grand-père est l’un des personnages importants dans l’histoire. Quand finalement nous avons pu voir le premier et le deuxième épisode terminés avant la première, je n’ai pu retenir mes larmes, bien que ce ne soit pas une série particulièrement dramatique. J’ai continué à travailler sur des séries pour enfants, mais beaucoup sont inspirées par des jouets ou des jeux vidéo. Cela ne signifie pas que je n’ai pas apprécié et que les enfants n’en profitent pas, mais je garde une affection particulière pour Ronja, fille de brigand. Cela a été ma première expérience avec une œuvre de cette qualité. Pour moi, parmi tous les épisodes, celui dont l ’écriture m’a procuré le plus de plaisir est le dernier. Je n’ai éprouvé aucune peine à quitter les personnages ; de fait je ne m’en suis même pas aperçu, parce que j’ai l’impression, bien que la série soit terminée, que les enfants continuent à vivre dans les bois et j’ose espérer que les spectateurs qui ont vu la série jusqu’à la fin, partagent ce sentiment. Cela me rendrait très heureux. »
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