Le réalisateur Jean-Christophe Roger nous raconte l’incroyable aventure de l’adaptation de Allez Raconte sur grand écran.
Quel a été le point de départ de « ALLEZ RACONTE » ?
Au départ, il y a la bande dessinée créée par Lewis Trondheim et dessinée par José Parrondo Allez raconte, qui se distingue par son ton loufoque et son originalité graphique. Ce sont des histoires racontées par un papa où les enfants participent de façon souvent inattendue. Cet univers a donné lieu à deux séries que j’ai réalisées pour la télévision, diffusées notamment sur M6. C’est Dany Boon qui faisait la voix du papa. Quand le producteur Didier Brunner m’a proposé de réaliser ce film, cela m’a tout de suite intéressé.
Avez-vous eu des réactions sur la série ?
On a reçu des messages, des retours favorables, notamment une maman qui m’a dit que quand ses enfants se disputaient, elle mettait une cassette d’Allez raconte et cela ramenait le calme. Je trouvais aussi que ce qui était particulier, c’est que les épisodes faisaient rire à la fois les adultes et les enfants, ce qui n’est pas évident.
Quel est le thème du film ?
Le thème, c’est des papas qui racontent des histoires. Il y a un concours, une sorte de « Star Academy » où chaque papa vient faire le spectacle, donc une suite de one-man-shows, à partir de ce fil conducteur, qui a donné lieu à une collaboration créative avec les comédiens.
C’est aussi un dialogue entre parents et enfants…
Oui, on voit sur certains sujets que parents et enfants ont une approche et des visions différentes. À travers l’humour et des histoires décalées, on parle parfois de problèmes de langage pour les étrangers qui ont du mal à s’exprimer en français, de complexes, des sans-papiers, de la dignité des êtres humains, comme dans l’histoire de ce touareg que ses parents avaient prénommé « monsieur » pour qu’on le respecte. On évoque de vrais sujets, et les enfants expriment leur point de vue sur la vie.
Quelle était la difficulté principale de l’adaptation sur grand écran ?
La difficulté principale, c’était de faire un film avec un budget et un timing limité, ainsi que l’éclatement de la production. Je travaillais avec des dessinateurs qui se trouvaient à Angoulême, au Luxembourg et en Belgique. Certains considéraient aussi que le graphisme de la série ne tiendrait pas au cinéma. J’étais conscient qu’à l’époque de la 3D relief et d’Avatar, faire un film pratiquement sans perspective, avec des personnages à plat, sans volume, sans ombre, avec des dessins très simples et une animation en flash était un vrai challenge. Il est vrai que l’effet spectaculaire des images est important, et parfois fascinant, mais je pense que le cinéma ne se limite pas à cela. Et je suis convaincu que l’on peut aussi faire un film intéressant et drôle avec des images très simples. On pouvait se servir de la simplicité pour inventer, amener des éléments graphiques originaux, avec des photos, des gravures… Ce style permettait beaucoup de créativité. L’histoire constituait une autre difficulté. Il fallait trouver un vrai rythme qui captive le spectateur, le surprenne, que chaque personnage soit amusant et différent. L’apport des comédiens ainsi que l’animation ont été très importants.
Quelles sont les techniques utilisées ?
Les oppositions de styles des divers papas ont permis de mélanger différents types de graphisme, d’intégrer parfois des photos, d’animer des gravures et des peintures classiques, et d’utiliser des techniques différentes pour l’animation. Nous avons principalement utilisé l’animation 2D flash, qui est très adaptée au style graphique des personnages. Mais nous avons utilisé également d’autres techniques, comme l’animation avec le logiciel After Effect pour tous les éléments photographiques, les peintures, les gravures animées et pour le décor du plateau télévision, ainsi que la 3D pour la séquence des dinosaures. L’animation a été faite dans les studios de « 2 Minutes » à Angoulême (France) et « Studio 352 » au (Luxembourg). Il a fallu environ deux ans pour réaliser le film, avec une quinzaine d’animateurs.
Comment avez-vous choisi les comédiens et comment avez-vous travaillé avec eux ?
Il y a eu une grosse réflexion sur le casting pour trouver les acteurs les mieux adaptés pour les rôles. On a essayé de rencontrer les comédiens avant l’enregistrement pour parler du film et de leur personnage pour qu’ils puissent se l’approprier. Il y a le canevas du scénario, mais ils ont créé quelque chose de personnel, quelquefois en improvisant. Ils ont fait parfois eux-mêmes les bruitages. Il y a vraiment un talent de one man show, notamment avec Eric Métayer qui a été champion de la Ligue d’improvisation et vient de recevoir un Molière.
Et les autres comédiens ?
Elie Semoun a un grand talent comique, très original. Il pouvait incarner Eric, un personnage de méchant, mais qui devait être en même temps très drôle. Elie a un univers complètement à lui, il peut faire rire une salle en faisant mine d’agresser le public, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Omar Sy a une gaieté, une humanité qui colle au personnage de Momo, le talent d’un griot moderne, qui le rend attachant. Fred Testot a un talent comique qui fait « exploser » le rôle de l’animateur, et le fait devenir un des principaux personnages du film. Les comédiens ont travaillé avec beaucoup de plaisir et de générosité sur ce projet. Virginie Hocq, Renaud Rutten, Dominique Collignon-Maurin, Barbara Tissier, Nicolas Marié et les autres, tous ont un vrai don comique qui s’exprime dans la façon dont ils racontent leurs histoires.
La musique tient aussi une place importante…
Il y a beaucoup de musique dans ce film. Grâce au talent des musiciens et du chanteur imitateur Michael Gregorio, on a même un casting de chanteurs qu’il serait difficile aux plus grosses productions hollywoodiennes de s’offrir : Michael Jackson, Ray Charles, Mick Jagger, Johnny Hallyday, Jacques Brel, Edith Piaf, les Beatles, Tokyo Hotel, Mika, Michel Polnareff, et même Pavarotti et La Callas. La musique crée un équilibre avec toutes les histoires racontées et elle contribue à installer le rythme d’une émission de télévision.
Êtes-vous satisfait du résultat ?
Je suis content que moi-même, ainsi que mes collaborateurs et camarades de jeu, nous soyons sortis « indemnes » de cette aventure ! Et j’espère que tous les gens prendront le même plaisir à regarder Allez raconte ! que nous à l’avoir réalisé.