Interview du célèbre humoriste Gad Elmaleh, doubleur dans le film Un monstre à Paris.
Qu’est-ce qui vous a incité à accepter de devenir la voix de Raoul dans « Un monstre à Paris » ?
Une combinaison de choses. D’abord, la rencontre avec Bibo Bergeron et sa manière de me présenter à la fois son film et ce personnage, en m’expliquant qu’à ses yeux il me correspondait à travers sa fantaisie, son recul, son humour et sa manière d’aborder son amour pour Lucille. Ensuite, la découverte du film que Bibo m’a montré alors qu’il n’était pas tout à fait terminé, mais avec le travail effectué par les acteurs américains au doublage. Et puis, l’idée que Vanessa Paradis et Matthieu Chedid fassent partie de l’aventure m’a énormément séduit. Je ne les connaissais pas personnellement, nous n’allions pas collaborer directement mais le fait de se retrouver dans le même projet me plaisait.
Qu’est-ce qui vous plaisait dans le personnage de Raoul ?
J’ai tout de suite adoré sa fantaisie. Et puis j’ai vite compris ce que voulait dire Bibo en parlant des points communs entre lui et moi. C’est d’ailleurs presque toujours le cas quand on double un personnage : il y a quelque chose de physiquement relié à soi. Ici, je trouve vraiment qu’il y a une gestuelle commune. Enfin, j’ai aimé la manière dont Bibo envisageait ce personnage. Il ne m’a pas demandé d’inventer un accent, comme j’avais pu le faire dans Moi, moche et méchant, mais de parler naturellement, tout en trouvant des intonations particulières pour dessiner sa psychologie : ce côté à la fois très fragile et assez fanfaron.
Quel souvenir gardez-vous de la découverte du film, avant de vous lancer dans le travail du doublage ?
Je ne suis pas un amoureux fou du cinéma d’animation. Je n’aime pas tout ce qui sort. Mais quand à l’écran je vois de la poésie, de l’émotion sincère et des personnages auxquels je peux tout de suite m’attacher, je marche totalement. Et ça a été le cas avec Un monstre à Paris. J’étais ému, les chansons me trottaient en permanence dans la tête et chaque personnage existait en tant que tel. Avec mon fils, je vais bien évidemment découvrir en salles toutes les grosses mécaniques d’animation, comme L’âge de glace. Et je peux parfois être admiratif de ce travail-là. Mais avec Un monstre à Paris, c’est différent. On est cueilli par la poésie de l’ensemble, et ce dès le début avec ces images d’archives. C’est un film d’auteur, avec une création visuelle magnifique au service d’une histoire et de personnages.
Comment avez-vous travaillé avec Bibo pour devenir la voix de Raoul ?
Tout d’abord, je peux vous dire qu’on a beaucoup ri et que cet enregistrement a été placé sous le signe de la bonne humeur constante ! Ensuite, pour rentrer dans le détail du travail, j’ai demandé comme pour Bee movie ou Moi, moche et méchant à voir plusieurs fois la version originale faite avec les comédiens américains, pour m’imprégner du personnage et comprendre où je pouvais aller avec lui. Puis, pendant les trois jours d’enregistrement, je me suis laissé diriger par Bibo qui savait précisément ce qu’il voulait tout en étant en permanence ouvert à des propositions. C’est aussi pour cette raison qu’on a beaucoup ri en travaillant. Car j’ai pu m’amuser à sortir du personnage et de ce qui était écrit en proposant des vannes autour de ce que je devais dire. Il ne s’agissait évidemment pas de changer le texte, mais d’y mettre différents types d’intention. On se situait à l’inverse d’une logique de mécanique, il y avait un véritable échange entre nous. J’ai ainsi joué avec des intonations de voix pour amplifier la ressemblance du personnage avec moi, en allant par exemple rechercher des choses que j’utilise sur scène. En sortant de cette expérience, je suis curieux de voir ce que pourra faire Bibo dans un film non animé. Je l’imagine vraiment se lancer un jour dans cette voie, tant il possède un univers fort et un sincère amour des comédiens. On sent d’ailleurs tout de suite, sur Un monstre à Paris, qu’il n’a pas choisi ses acteurs pour leur notoriété publique mais parce qu’ils correspondent à sa logique artistique.
C’est donc votre troisième expérience de doublage de film d’animation, après « Bee movie » et « Moi, moche et méchant ». Vous vous sentez de plus en plus à l’aise dans cet exercice ?
Pour être tout à fait honnête, cet exercice n’a rien pour moi d’évident. C’est une technique qu’il faut arriver à acquérir, et je suis loin d’avoir la dextérité que je peux entendre chez certains de mes amis. Cependant, au fil des films, je me sens de plus en plus à l’aise. Et ce encore davantage quand je me retrouve face à quelqu’un comme Bibo, avec lequel je me sens en totale confiance. Contrairement à ce que certains peuvent penser, on ne double pas un film d’animation pour des raisons uniquement financières. Évidemment, on gagne bien notre vie. Mais si on le fait, c’est pour le plaisir incroyable que cela procure sur le moment. Et dans mon cas, pour une autre raison bien précise : à chaque fois que je double un personnage de dessin animé, je pense à mon fils ! Je lui lis mes dialogues en amont, je teste sur lui certaines choses. Et son plaisir à voir ces films à leur sortie joue donc également un grand rôle dans celui, immense, que j’ai à les faire.
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