Après l’adaptation du « Petit Nicolas », Sempé revient au cinéma pour « Raoul Taburin »

Image du tournage du film Raoul Taburin.
© RAOUL TABURIN 2018 – PAN-EUROPÉENNE – FRANCE 2 CINÉMA – AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINÉMA – BELLINI FILMS – LW PRODUCTION – VERSUS PRODUCTION – RTBF (TELEVISION BELGE) – VOO ET BE TV © PHOTOS KRIS DEWITTE

Rencontre avec le dessinateur et humoriste Jean-Jacques Sempé qui a collaboré à l’écriture du scénario de Raoul Taburin.

Dans quelle mesure, selon vous, « Raoul Taburin« , porte-t-il en ses pages la promesse d’un film ?

Je n’ai jamais eu la prétention d’imaginer que le cinéma puisse s’intéresser à mon travail. Ce n’est que lorsqu’on me l’a proposé que je me suis dit : « Quelle bonne idée ! », mais cela n’avait rien d’évident initialement. L’idée qu’une voix off raconte l’histoire m’enchantait, car j’aime énormément cela : ça berce, ça saisit, ça embarque. Je suis émerveillé par le « Il était une fois… ». J’ai le goût du conte, et Raoul Taburin en est un. J’aime beaucoup raconter et me raconter des histoires. Je passe beaucoup de temps à ça depuis toujours.

Qu’avez-vous ressenti en découvrant le film sur grand écran pour la première fois ?

J’étais fier comme un pou ! Ça m’a beaucoup amusé de voir que mes personnages pouvaient s’incarner et mes dessins s’animer en prises de vue réelles. Je suis tout étonné de voir qu’on a accordé autant d’importance à mon travail. Et je suis particulièrement touché, car l’histoire de Raoul est un peu la mienne. Enfant, j’ai longtemps rêvé d’avoir un vélo. Par conséquent, je n’ai pas su faire de vélo pendant un bon moment. En outre, j’ai beaucoup aimé l’atmosphère du film, et le choix des costumes uniques tout au long du récit, par exemple, qui crée une atmosphère hors du temps.

Comment avez-vous travaillé à la coécriture du scénario ?

On a beaucoup échangé au préalable avec le scénariste Guillaume Laurant. Notre entente a été parfaite. Je connaissais son travail et je l’ai beaucoup écouté. Il a fallu donner de la consistance à mon histoire. Guillaume a eu, par exemple, l’idée d’ajouter le personnage du père. N’ayant eu ni vélo ni père, ce travail d’écriture m’a d’autant plus touché.

Dans le film, le vélo est un personnage à part entière qui avance seul et apporte ainsi une touche poético-fantastique à l’ensemble…

C’est une idée de Guillaume Laurant, qu’à intelligemment accentuée Pierre Godeau à la mise en scène. Ça fait partie des apports du cinéma. Le vélo devient un compagnon dans le film. Il a une âme.

Vous avez choisi Pierre Godeau pour porter votre histoire à l’écran. Sa sensibilité est-elle proche de la vôtre ?

Dans les deux premiers films de Pierre, Juliette et Éperdument, on sent sa sensibilité, son humour, et son don pour diriger les acteurs, ce qui m’importait beaucoup. Je trouve que Pierre a su trouver un ton très en phase avec celui de mon roman dessiné.

Avez-vous été surpris qu’un jeune réalisateur de trente ans ait envie de s’approprier « Raoul Taburin » pour en faire un film ?

J’ai surtout remarqué à quel point Pierre Godeau était enthousiaste à l’idée de cette adaptation. Il nous a beaucoup plu, à Guillaume Laurant et à moi. L’entente a été immédiate. Pierre est très sympathique, très à l’affût et, par ailleurs, plein d’admiration pour mon travail !

Image du tournage du film Raoul Taburin.
© RAOUL TABURIN 2018 – PAN-EUROPÉENNE – FRANCE 2 CINÉMA – AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINÉMA – BELLINI FILMS – LW PRODUCTION – VERSUS PRODUCTION – RTBF (TELEVISION BELGE) – VOO ET BE TV © PHOTOS KRIS DEWITTE

Quel regard portez-vous sur le casting du film ?

Benoît Poelvoorde est marrant comme tout. Il m’a raconté que sa première fiancée l’appelait Raoul Taburin. C’est vrai qu’il lui ressemble ! Édouard Baer et moi nous connaissons depuis longtemps. Il est très amusant, a beaucoup d’esprit et fait un Figougne idéal. J’aime beaucoup la complicité entre Benoît Poelvoorde et Édouard Baer à l’écran, elle est palpable. Quant à Grégory Gadebois dans le rôle du père, il est parfait, avec sa pipe à la Jacques Tati. Suzanne Clément est discrète, jolie et délicieuse ; c’est la Madeleine idéale. Oui, ce casting me ravit !

Vous souvenez-vous de la genèse de « Raoul Taburin » ?

Ce livre est né de façon très anodine. Un jour, je réfléchissais à un projet de livre. J’adore le vélo. J’en ai fait toute ma vie, sauf depuis mes soucis de santé. Autrefois, j’étais à bicyclette quel que soit le temps. J’arrivais parfois chez les gens trempé comme une soupe, avec une allure lamentable, mais c’était ainsi. Un jour, comme je faisais du vélo tout le temps à Paris, j’ai pensé : que ferais-je dans Paris sans vélo ? Et de là m’est venue l’idée de cette histoire : celle d’un homme et de son vélo.

« Raoul Taburin » est l’histoire d’un mystère et d’un homme en décalage avec le monde. Ce décalage est source de mélancolie…

C’est juste. Tout est très mystérieux dans l’existence. Que peut-on contrôler ? Raoul ne contrôle rien. Il doit vivre ainsi. Tout ce qui est souffrance et regret engendre la mélancolie. Moi, je suis plutôt ami de la mélancolie. Louise Vilmorin disait : « Charles Trénet a le don de rendre mélancolique même l’instant présent ». Je crois qu’on ne peut pas être autre chose que mélancolique.

Qu’aimez-vous dans l’esthétique du vélo ?

Je n’arrive pas à comprendre comment on peut tenir en équilibre. J’ai, un jour, posé la question à un grand savant, qui m’a répondu : « C’est très compliqué ! ». Il n’a pas pu m’expliquer. La question de l’équilibre me fascine. Voir une grosse personne faire du vélo relève du miracle : comment fait-elle pour ne pas tomber ? L’équilibre est une merveille.

Êtes-vous sensible au son que fait le vélo et qui est très présent dans le film ?

J’adore ça ! Quand j’étais gosse, ce son me mettait en joie. J’essayais de comprendre comment le vélo fonctionnait. C’est merveilleux, cette mécanique !

Entendez-vous le timbre de la voix de vos personnages quand vous les dessinez ? Celle de Raoul, par exemple ?

Je n’y ai jamais pensé ! Mais je trouve que les voix de Benoît Poelvoorde et d’Édouard Baer correspondent bien à celles de Raoul et Figougne.

Vous faites une apparition dans le film dans une séance de… Figougne ! Quel souvenir gardez-vous du tournage ?

C’était une journée très sympathique. Il y avait une jolie ambiance sur le tournage. J’étais heureux d’être entouré des acteurs et de tous les figurants et habitants du village impliqués sur le film. J’étais ravi des décors. Ça m’a beaucoup amusé de voir les devantures des commerçants reconstituées, comme les commerces de Frognard et de Bifaille. J’y voyais une vraie fidélité à mon livre. D’une façon générale, l’expérience de ce film a été très joyeuse, tant avec Guillaume Laurant qu’avec Pierre Godeau, Philippe Godeau, Benoît Poelvoorde ou Édouard Baer.

Ces articles pourraient vous plaire :

Partager l’article

Articles similaires