Le réalisateur de Boule & Bill 2, Pascal Bourdiaux, dévoile les dessous du tournage et les difficultés de tourner avec un enfant et un animal.
« BOULE ET BILL 2″ EST VOTRE 4E FILM APRÈS « LE MAC », « FISTON » ET « MES TRÉSORS » MAIS C’EST LE SEUL BASÉ SUR UN UNIVERS PRÉEXISTANT TRÈS TYPÉ, BALISÉ, TIRÉ DES BANDES DESSINÉES. ÉTAIT-CE UN OBSTACLE OU UNE INQUIÉTUDE POUR VOUS ?
Non pas du tout, j’ai considéré cela comme un exercice de style. Vous avez raison, l’univers du film est préétabli par les BD, c’est d’ailleurs pourquoi j’ai regardé le 1er film pour voir de quelle manière ils s’en étaient accommodés. Ce sont les bandes dessinées qui m’ont inspiré en termes de couleurs, pour les décors ou les vêtements très années 70. Il faut d’ailleurs saluer le travail exceptionnel de Laurence Chalou la costumière, de Maamar Ech Cheick le chef déco et de Stéphane Leparc mon chef opérateur qui m’ont tous trois aidé à obtenir ce résultat…
QU’EST-CE QUI VOUS INTÉRESSAIT EN TANT QUE METTEUR EN SCÈNE DANS CETTE HISTOIRE ET CES PERSONNAGES ?
Je n’écris pas les scénarios des films que je tourne et quand j’en choisi un c’est qu’il sort du lot, me touche ou me fait rire. Là, je trouvais ça rigolo que le papa de Boule mette le bazar au sein de sa famille pour retrouver les faveurs de son éditrice ! Il y avait là matière à une bonne comédie en opposant cet homme à ses proches qui ne comprenaient évidemment pas ce qui pouvait bien lui arriver…
QUAND ON ADAPTE BOULE ET BILL, FAUT-IL AUSSI S’AFFRANCHIR DE L’ATTENTE DES LECTEURS DES BD OU MÊME DES SPECTATEURS DU 1ER FILM ?
Je m’en suis totalement affranchi ! J’ai fait exactement le film dont j’avais envie. Bien entendu, j’ai tout de même tenu compte du fonctionnement des personnages dans les BD, d’autant que le script rassemble plusieurs histoires racontées dans les albums. Vous savez, il y a des fondamentaux incontournables : Boule doit être un petit rouquin qui fait des bêtises, il a un papa, une maman et un chien, Bill, qui doit être un cocker ! Pour le reste, nous étions assez libres…
LIBRE NOTAMMENT D’ABORDER LE MYTHE DE L’ARTISTE QUI A BESOIN D’ÊTRE MALHEUREUX POUR POUVOIR À NOUVEAU CRÉER… C’EST UN THÈME QUI VOUS TOUCHE ?
Je vous rassure, je vais très bien mais il est vrai que dans les périodes un peu sombres, j’ai eu tendance à m’isoler, à lire plus, voir des expos et revoir des vieux films. L’art est, je crois, un moyen de nous aider à surmonter certaines choses…
CELA DONNE AU FINAL UN FILM QUI PEUT À LA FOIS S’ADRESSER AUX ENFANTS MAIS AUSSI TOUCHER LES ADULTES…
Absolument et c’est ce que nous nous sommes dit avec Mathilde et Franck en travaillant le scénario : il fallait que ce soit un film qui n’ennuie pas les parents quand ils y emmèneraient leurs enfants.
VENONS-EN À VOS COMÉDIENS À COMMENCER PAR FRANCK DUBOSC QUE VOUS RETROUVEZ APRÈS « FISTON » EN 2013…
C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, humainement et professionnellement. C’est un très gros bosseur : c’est un acteur qui est toujours dans la proposition mais jamais décalé, très juste, à la recherche du détail, du petit mot qui va faire rire. Je suis persuadé que Franck est un acteur qui travaille tous les soirs avant de jouer ses scènes du lendemain en essayant de perfectionner les choses au maximum. Diriger ce genre de comédien est extrêmement facile : il s’agit juste de décider avec lui à quel niveau on place le curseur et nous en parlons longuement en amont du tournage. C’est Robert Altman qui disait : « la direction d’acteur, elle se fait lors du casting… » En fait, quand Franck arrive sur le plateau, il sait exactement qui est le personnage…
VOUS PARLIEZ DE CURSEUR : CERTAINES SCÈNES SONT À LA LIMITE DU BURLESQUE MAIS SANS JAMAIS SOMBRER DANS L’EXCÈS OU LE RIDICULE…
Moi je suis très client des tartes à la crème ou des gens qui tombent de l’échelle mais en effet, il ne faut pas en faire trop. Franck est exactement sur la même longueur d’onde, tout comme Mathilde d’ailleurs…

JUSTEMENT, PARLEZ-NOUS D’ELLE DANS LE RÔLE DE LA MAMAN…
Ce personnage a été une vraie découverte pour elle : jouer une femme qui découvre que son mari ne va pas bien, qu’il enchaîne les conneries mais qui décide d’en jouer, de s’en moquer. D’habitude, dans ses films, Mathilde a un jeu très naturaliste : là, il fallait colorer les choses et nous en avons pas mal discuté avant le tournage. Elle se demandait si elle pouvait répondre à nos attentes mais moi je n’ai jamais eu aucun doute car c’est une excellente actrice avant tout. Dès la première journée, elle était le personnage… Et puis humainement la rencontre avec Mathilde a été une belle surprise : on a l’image d’un caractère fort et je me demandais comment ça allait se passer entre nous mais j’ai vite été « rassuré » : souriante, adorable, enthousiaste, elle a enchanté toute l’équipe !
LE FAIT QUE FRANCK DUBOSC ET ELLE AIENT DÉJÀ TOURNÉ ENSEMBLE A ÉTÉ UN PLUS POUR VOUS ?
Bien sûr : leur complicité était palpable, on sentait qu’ils étaient là pour s’amuser ensemble, comme s’ils s’étaient quittés la veille. C’est important quand on fait une comédie que l’ambiance ne soit pas sinistre sur le plateau entre les acteurs ! Il faut qu’ils soient sérieux évidemment mais aussi qu’ils jouent avec le texte, la mise en scène et le réalisateur. J’aime avoir une ambiance détendue sur mon plateau, c’est essentiel pour moi…
COMMENT PARLERIEZ-VOUS DE CHARLIE LANGENDRIES, QUI INCARNE BOULE ?
C’est son premier film et il est incroyable : une bouille, du caractère… Nous avons vu beaucoup d’enfants pour le rôle, autour de 400, et c’était très compliqué de trouver le bon. Pour des raisons de coproduction, il fallait qu’il soit belge mais sans accent, qu’il soit roux, qu’il ait le bon âge, qu’il joue… Et puis j’ai vu les essais de Charlie, qui avait les cheveux bruns et qui auditionnait pour un autre personnage. Il dégageait quelque chose de particulier, de fort : il jouait vraiment… D’ailleurs, en le confrontant avec Elliot Goldberg qui joue Wilfried, le « méchant » du film, j’ai eu un peu peur : il avait une telle présence, un tel répondant, qu’il prenait l’ascendant sur lui, alors que Boule doit être intimidé par ce nouveau venu à l’école ! J’ai donc demandé à Charlie de se radoucir un peu, pour le faire jouer un peu plus dans la gentillesse et il a pigé tout de suite… Une teinture rousse et des taches de rousseur au maquillage ont fait le reste !
DES ENFANTS ET DES ANIMAUX : IL N’Y A PARAIT-IL PAS PLUS COMPLIQUÉ POUR UN RÉALISATEUR… VOUS CUMULEZ LES DEUX ! COMMENT AVEZ VOUS TRAVAILLÉ AVEC CEUX DU FILM, NOTAMMENT LES CHIENS ?
Il faut d’abord souligner le boulot exceptionnel de Manuel Senra notre dresseur qui, en plus, a eu très peu de temps de préparation. Sur ce film, il y a tout de même six chiens, un oiseau, une tortue, un chat, sans doute l’animal le moins docile sur un plateau, tout le temps inquiet en train de regarder autour de lui… En fait, avec des animaux sur un plateau, on doit être prêt à réagir très très vite. Quand ils ne peuvent pas jouer la scène comme prévu, il faut tout de suite faire une incrustation sur fond vert et raccorder le tout en post-production. Il y a énormément de trucages et d’effets spéciaux avec les animaux sur BOULE ET BILL 2, même si au final je pense que ça ne se voit pas ! Le cocker du film, qui appartient d’ailleurs à Manuel son dresseur, a de vraies expressions dans le regard donc, même s’il a souvent fallu laisser tourner longtemps la caméra, (merci la vidéo !), j’ai pu obtenir au final le petit haussement de sourcil voulu ou le regard par derrière dont j’avais besoin…
VOUS AVEZ ÉGALEMENT APPORTÉ UN VÉRITABLE SOIN AU CHOIX DES PERSONNAGES SECONDAIRES…
Oui, l’idée avec ce casting était de trouver de vraies gueules mais aussi des caractères, je pense par exemple à Nora Hamzawi qui joue l’éditrice excentrique et dont j’adorais les one-woman shows. Son personnage devait ressembler à celui d’une femme presque bipolaire et Nora à su amener les nuances nécessaires. C’est la même chose avec Jean-François Cayrey qui joue le voisin flic, papa de Wielfried. C’est un formidable acteur de comédie dont le registre lui permet aussi de proposer des choses… Idem avec Albane Masson qui joue Charlotte l’amoureuse de Boule. Je l’ai vue le tout dernier jour du casting, j’ai regardé ses essais, discuté avec elle mais le vrai test a été de la confronter avec Charlie et Elliot, le gentil et le méchant du film. Albane, c’est l’archétype de la fille jolie que l’on a tous croisé dans notre enfance, dont nous étions tous amoureux… Quand elle est entrée dans la pièce, j’ai vu les deux garçons fondre littéralement alors qu’avec les autres filles, ils avaient plutôt tendance à se marrer. C’était gagné !
LE PREMIER FILM « BOULE ET BILL » AVAIT ÉTÉ UN BEAU SUCCÈS EN SALLES. SENTEZ-VOUS UNE ATTENTE ET Y PENSEZ-VOUS AVANT LA SORTIE DE « BOULE ET BILL 2 » ?
Non, j’essaye de ne pas y penser ! Moi j’ai tenté de faire le meilleur film possible et j’espère que celui-ci marchera aussi bien, d’abord vis-à-vis de toute l’équipe qui s’est vraiment investie. Quand on a beaucoup travaillé sur un film, on n’a pas vraiment de recul lorsqu’il est terminé, juste un sentiment… Moi, j’ai adoré l’exercice et je me suis lâché en ayant le sentiment d’accomplir un truc de gosse, même si ce genre de film représente une machine assez lourde.
Cet article pourrait vous plaire :